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Le sexe et le cerveau !

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On a tellement taxé le cerveau d’organe sexuel que lorsqu’on s’applique à le démontrer, on enfonce comme une porte ouverte. Oui, c’est par le cerveau et non ses extensions corporelles, la peau et les organes génitaux, que nous jouissons. C’est dans le cerveau que nous percevons la tendresse et la sensualité corporelle, dans le cerveau que nous sentons monter l’excitation et que nous savourons l’explosion prodigieuse de la jouissance. Le cerveau est aussi l’objet de toute notre ignorance car si l’on parle aujourd’hui dans le détail des organes sexuels, du vagin du pénis, du clitoris à l’infinie sensibilité, nous ne savons que peu de choses encore sur la transmission de la sensualité par les voies nerveuses, le rôle exact de chaque neuromédiateur, le comment et le pourquoi de l’orgasme. Tout ceci en raison d’une réelle absence de recherche fondamentale sur la sexualité humaine.

Un grand progrès vient d’être fait par une équipe allemande de l’hôpital de la Charité à Berlin, animée par Christine Heim, professeur de psychologie médicale, qui avait pour but premier de localiser l’aire sensorielle spécifique du clitoris dans le cortex féminin.

Un peu d’anatomie

Entre le lobe frontal et le lobe pariétal, le sillon de Rolando (cf. fig ci-dessous) creuse un profond fossé entre les régions motrices du corps, cortex moteur (tous les neurones qui commandent le mouvement) qui se trouvent en avant de ce sillon sur le lobe frontal ; et les régions sensorielles (cortex somatoensoriel) en arrière de ce sillon sur le lobe pariétal (c’est dans cette région que parviennent tous les messages sensoriels, véhiculés par les nerfs depuis la surface cutanée ou les régions plus profondes et intimes comme le vagin, le pénis, le clitoris…).

Si l’on connaît précisément la géographie des zones motrices ou sensorielles de l’ensemble du corps – c’est l’homonculus, cette sorte de « petit homme », représentation déformée du corps humain majorant les zones très animées et, à l’inverse, sous-représentant les régions peu motrices), on connaît très peu la projection de la région génitale, tout simplement parce qu’elle n’a pas été étudiée, et tout particulièrement la zone génitale féminine, surtout le clitoris, car cet organe minuscule – mais formidablement important pour la jouissance féminine – n’est pas un objet de la médecine. En effet, les médecins n’ont pas développé son étude car il ne présente aucune pathologie (ce qui est différent du pénis qui connait de nombreux avatars comme phymosis, troubles de l’érection, maladie de Lapeyronie, cancer du pénis). Depuis une étude neuro-radiologique en 2005, on connait un peu mieux les projections sensorielles de la région génitale masculine, proche de la région de la hanche dans le cortex. Mais pour la zone génitale féminine, une incertitude existait entre cette même région de la hanche ou une autre localisation proche du genou.

L’Homonculus de Penfield (Birbaumer und Schmidt, 2005)

Le travail de l’équipe de Berlin* a permis de préciser cette localisation de la représentation du clitoris, et donc de la région génitale féminine, dans la même région que les zones masculines homologues, c’est-à-dire près de la projection de la hanche. Avec cette différence d’une grande variabilité inter-individuelle chez les femmes de cette étude. Ce qui a intrigué les chercheurs.

Cette zone cérébrale a été étudiée par I.R.M. chez 20 femmes âgées de 18 à 45 ans au cours d’un protocole qui comprenait huit stimulations du clitoris de 10 secondes alternées avec des phases de repos de même durée. Mais, outre la localisation de cette zone, cette étude a obtenu un résultat beaucoup plus étonnant : la variabilité  observée se trouve être liée à des variations de l’épaisseur de cette zone, elle-même liée à la fréquence des rapports sexuels dans les 12 derniers mois.

Plasticité cérébrale

Contrairement à l’image figée d’un cerveau tout-puissant, image que nous avions il y a quelques décennies, les récentes connaissances fonctionnelles du cerveau insistent sur sa grande plasticité et le remaniement constant qui s’opère au cours de la vie en fonction de l’activité motrice ou sensorielle. De récents travaux neurobiologiques ont montré l’augmentation des fibres de connexion – notamment du corps calleux – et l’épaississement des

certaines zones corticales spécifiques de leur activité artistique chez les pianistes ou violonistes concertistes.

De même, selon cette étude qu’il faudra valider par de nouveaux travaux, les zones génitales féminines semblent présenter une épaisseur différente selon l’intensité et la fréquence de l’activité sexuelle. Nous le savons bien, la physiologie sexuelle est, elle-même, en lien avec la fréquence et la répétition des cycles d’excitation. L’interprétation d’une telle étude doit  donc être prudente, en termes de causalité. Est-ce une cause ou une conséquence ?

En ce qui concerne la physiologie sexuelle, notre étude de 2012** sur 3404 femmes avait montré que 40 d’entre elles qui présentaient une extrême disponibilité à l’excitation et à la jouissance se distinguaient du reste de la population par un âge très précoce de premier orgasme et une intense activité sexuelle régulière. Et l’on sait combien la réussite orgasmique est fortement liée à une haute fréquence des cycles d’excitation.

Enfin, un travail antérieur de l’équipe de Christine Heim (2003) avait déjà montré une zone corticale génitale réduite chez des femmes ayant vécu un traumatisme sexuel. Christine Heim le précise ainsi : « Nous avons émis l’hypothèse, à l’époque, que cela pouvait être la réponse du cerveau pour lutter contre les effets nocifs de l’abus sexuel. » On peut aujourd’hui envisager que la réduction volumétrique de cette zone du cerveau serait plutôt le reflet de l’hypoactivité sexuelle résultant de l’inhibition post traumatique. À l’opposé, cela peut aussi vouloir dire – ce que nous savons cliniquement – que la sexualité est un apprentissage sensorimoteur, qu’il s’apprend, qu’il s’entretient et qu’il se renforce par le jeu des répétitions.

*Andrea J.J. Knop [M.S.], Stephanie Spengler [Ph.D.], Carsten Bogler [Ph.D.], Carina Forster [M.S.], Michael Brecht [Ph.D.], John-Dylan Haynes [Ph.D.] and Christine Heim [Ph.D.], Sensory-Tactile Functional Mapping and Use-Associated Structural Variation of the Human Female Genital Representation Field, Journal of Neuroscience, 20 December 2021, JN-RM-1081-21; DOI: https://doi.org/10.1523/JNEUROSCI.1081-21.2021 ;  **Les Femmes, le sexe et l’amour, de Philippe Brenot, Les Arènes, 2012.


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